Présentation

Né en 1974, Cédric Delsaux, après une licence de cinéma et une maitrise de Lettres Modernes, rejoint le monde de la publicité. Depuis 2002, il se consacre essentiellement à la photographie. Il appréhende ses travaux à la manière d’un cinéaste, transcendant le réel, dévoilant un monde aussi fascinant que terrifiant, et explorant le lien ambivalent de l’Homme face à la nature. Il vient de publier
« Dark Lens » (Editions Xavier Barral), où les personnages de Star Wars évoluent dans un monde futuriste, mais qui existe bel et bien.

« Nous sommes des soldats dérisoires pris dans les filets de la mégamachine. Des passagers à la destination compromise. Pourtant, je reste fasciné par l’univers que nous avons créé, ses matières, ses couleurs, ses formes : il faut une part de génie pour l’inventer…et une part de folie pour y vivre. Désormais, dans la plupart des grandes villes, nous pouvons passer notre vie sans jamais mettre un pied sur terre : parkings, couloirs, bureaux, centres commerciaux. Nous n’habitons plus sur cette planète, nous en avons construit une autre en lieu et place de la première. Le plus étonnant, c’est que ce monde hallucinant semble maintenant une évidence. En rendant « naturels » ces paysages, comme une nécessité allant de soi, ils sont entrés dans notre inconscient collectif.

Nous sommes tellement préoccupés par notre reconnaissance, notre réussite, que nous préférons risquer l’anéantissement de notre univers plutôt que notre échec personnel. Nous ne voulons rien qui puisse dégrader notre confort.

Mais nous ne pourrons plus nous cacher longtemps : notre monde n’est plus viable. Une seule planète ne suffira pas à combler nos ambitions.

Nous avons les yeux plus gros que la terre. Il nous faudra changer nos modes de vies, nos rêves, nos idéaux. Et si, comme il est à craindre, nous n’entreprenons rien, nous pouvons d’ores et déjà nous préparer au pire. Je voulais depuis longtemps entreprendre ce voyage au coeur de nos contradictions, visiter la face cachée de nos bonnes consciences. Je n’avais au début ni plan ni certitude, seulement cette sensation permanente que « le monde est triste et beau », comme l’écrivit Giacomo Leopardi, et qu’il nous faudrait coûte que coûte continuer à y vivre.

J’ai alors commencé un recensement des lieux symptomatiques de noter époque. Ces lieux devenaient les acteurs, les représentants d’une histoire collective : celle de l’occidentalisation du monde. Ils endossaient par ce biais, le statut de symbole ou, pour le moins, celui de témoin. Témoin du talent, de l’abnégation de la nature humaine comme de sa prétention et de son inconscience.

Tout à la fois réels et imaginés, ils ouvraient une faille au sein de ce réel, provoquaient un glissement, une distorsion, d’où émergeaient une forme de poésie et de mélancolie. Je ne pouvais m’empêcher d’y trouver de la beauté au coeur même de la laideur. Je reconnaissais là l’intimité de mon lien avec ce monde que j’admire et exècre tout à la fois. Ce lien ténu, incertain, qui me maintient en vie. Ce regard sombre qui voudrait ne pas sombrer. Et cette indéniable fragilité qui en découle. »